Plus ça va et plus j'ai l'impression que la pratique de la
curation web peut prendre tout son sens en
communication interne,
même si elle offre de belles promesses en communication externe.
Cependant, et comme dans le cas de
l'intranet social, les propos sur l'utilisation directe de la
curation web en entreprise demeurent encore assez théoriques.
Pour ceux qui se demandent ce que peut bien être la curation web, je vous conseille d'abord de lire ce billet Le curateur de contenu (1e partie) ainsi que ce compte rendu du livre de Steven Rosenbaum: Nation de curateurs (Curation Nation).Vous pouvez aussi consulter ma présentation d'octobre 2011 sur la curation:
Sinon, permettez-moi de vous rappeler, en gros, que la curation web est une activité tactique qui épouse presque tous les éléments de l'agrégation manuelle: rechercher, sélectionner, organiser, partager et diffuser des quantités importantes d'information; à la différence près que la curation web y ajoute une autre couche de contenu original, un nouveau savoir dans une perspective humaine.Cette couche supplémentaire de contenu original peut prendre la forme d'une annotation, d'une contextualisation, d'une glose, d'une évaluation, d'une analyse exhaustive ou encore d'un simple commentaire. Il n'y a pas de règles prédéfinies quant au degré d'interprétation ou de validation d'une curation web. En fait, il n'y a qu'une seule règle qui la différencie véritablement de l'agrégation manuelle: celle d'y ajouter une perspective nouvelle ou authentique, une mise en contexte. C'est là le principal point d'achoppement, voire de tiraillements, entre création, agrégation et curation. En fait, certains "curateurs de contenus" ne font qu'une agrégation manuelle, que plusieurs peuvent tout de même juger utile, certes, mais qui ne ferait qu'ajouter au "bruit" ambiant. Crowdspoke a rédigé un assez bon billet sur les écueils de la curation web personnelle...Une couche supplémentaire de contenu ? Pourquoi ? Parce que la pratique de la curation web, autant pour l'externe que pour l'interne, tire en partie ses origines de la surabondance des contenus, et de son corollaire: le surplus cognitif. Par ailleurs, les algorithmes d'agrégation de Google, par exemple, commencent aussi à montrer certains signes de faiblesse dus à l'infobésité, d'une part, mais aussi, d'autre part, à cause des dangers de l'hyper-personnalisation des résultats de la "recherche sociale", telle que dénoncée par Eli Pariser (Beware online "filter bubbles"). Car enfin, la promesse fondamentale de la curation web consiste à fournir un ensemble d'informations pertinentes et de qualité (selon des besoins et des critères spécifiques) au bon moment et aux bonnes personnes, pour que ces dernières puissent prendre de bonnes décisions.Si les premiers efforts de curation web à l'interne semblent assez anodins, et relèvent encore plutôt de l'agrégation manuelle, telle qu'une revue de presse soumise dans l'intranet de la compagnie American Electric Power, il y a sans doute d'autres concepts qui méritent de s'y attarder. Curation collective, curation collaborative et intelligence collective... La proposition d'une curation collective vient encore de Crowdspoke. Reprenant le principe de la sagesse des foules de Surowiecki, il s'agit de colliger (voire d'agréger - on ne s'en sort pas !) les actions indépendantes de curation d'un groupe décentralisé de curateurs.(Lire A better definition of collective curation). Crowdspoke évoque, en exemple, la curation collective de milliers de tweets, à la suite d'une catastrophe ou d'un événement majeur, par des centaines, voire par des milliers de curateurs dont le rôle consiste à identifier, à vérifier puis à classer les tweets. Cependant, au plan strictement interne, une autre catégorie de curateurs aurait comme rôle de valider, une dernière fois, la curation collective dans le but d'offrir un portrait plus clair d'une situation. On voit tout de suite les possibilités d'une telle tactique en protection civile, dans les domaines militaire, financier ou même politique... Cette éventualité d'une curation collective me fait un peu penser - en l'extrapolant bien entendu - au diagramme proposé par Glenn Remoreras. L'infobésité (le Web 2.0 Clutter) est filtrée de façon algorithmique par des services sémantiques (futurs ?) du Web 3.0, puis passée au crible, voire au tamis des experts facilitateurs (ou de curateurs) dans un espace de curation collective. Par la suite, la dernière étape de validation revient à l'interne (que Remoreras nomme les Communities) dans un but d'intelligence collective.
La curation collaborative, quant à elle, demeure centralisée, voire institutionnalisée. Crowdspoke évoque, assez gauchement je l'admets, l'exemple de Wikipedia. Pour moi, Wikipedia, ce n'est pas tout à fait de la curation et encore moins un espace centralisé... La curation collaborative ressemblerait davantage aux principes de la veille (entendre par là l'informatique décisionnelle) en entreprise. Bertrand Duperrin a d'ailleurs réfléchi sur le rôle d'un curateur par rapport à celui du veilleur dans son billet Le curator : chaînon manquant des dispositifs entreprise 2.0 ? Un exemple de curation collaborative ? Les gens d'Apple qui font du "curated computing" en examinant chaque application développée pour le iPhone avant de la rendre disponible, ou non, dans son App Store...
Quoi qu'il en soit, ces réflexions doivent nous inciter à penser à la curation Web comme tactique éventuelle en communication interne.
Qu'en pensez-vous ?Sur ce, je vous laisse sur une petite vidéo avec Martin Hilbert, Fellow du USC Annenberg School for Communication & Journalism.
MAJ (19-11-11) sur YouTube parce-que sur Vimeo, il y a des trucs étranges qui s'y passent...