28 janvier 2013

La réputation du Québec glisse encore


Vous vous souvenez de cette "une" du Maclean's à l'automne 2010 ? Elle avait heurté bien des sensibilités et son auteur, le journaliste Martin Patriquin, a dû essuyer les foudres de nombreux observateurs de tout acabit, y compris des fédéraux.

Avec tout ce qui se passe à la Commission Charbonneau et surtout, les récentes révélations concernant les relations de la firme d'ingénierie SNC-Lavalin avec le régime Khadafi, on peut se demander à quel point ce texte était prémonitoire...

N'en avait-on déjà pas eu assez avec les allégations de malversations concernant le méga-hôpital du Centre universitaire de santé McGill ? Et l'arrestation par l'UPAC de l'ex-PDG de la firme en novembre 2012 ? Et les révélations toutes aussi troublantes concernant le "cartel du génie" ?

Voilà que surgit une affaire gravissime de pots-de-vin associés à de juteux contrats (le bakchiche est-il inévitable ?), de transferts étourdissants de fonds et, la cerise sur le sundae, d'une tentative alléguée d'évasion au Mexique avec achat de propriété et faux documents d'identité... La totale !

On imagine bien les Mexicains refusant des millions de dollars à tous les échelons pour ne pas laisser entrer Saadi Khadafi y terminer ses jours sous le soleil de la côte Ouest. Le risque n'en valait sans doute pas la chandelle. Il faut dire aussi que le Mexique a peut-être encore quelques crottes sur le coeur envers le Canada: à commencer par les déclarations de l'ancien ambassadeur canadien Marc Perron dans les années 90 (ici et ici), la controverse entourant l'arrivée de l'ambassadeur Barrio Terrazas à Ottawa ou encore l'imposition d'un visa aux ressortissants mexicains en 2009.

Quelles incidences sur la réputation de l'entreprise ?

Selon un rapport Bourgogne du CIRANO intitulé La réputation de votre entreprise : est-que votre actif le plus stratégique est en danger ? (Nathalie de Marcellis-Warin et Serban Teodoresco, Rapport Bourgogne, CIRANO, avril 2012), les entreprises doivent gérer leur actif le plus précieux - la réputation - et passer d'une gestion réactive à une gestion proactive.


Lien vers le Rapport complet (pdf, 50 p.)

L'embauche d'un enquêteur américain prestigieux à l'interne semble, à première vue, être un pas dans la bonne direction. Mais au-delà de l'image et des bonnes intentions, on pourrait croire que les perceptions négatives risquent d'affecter sa réputation auprès des investisseurs et, dans une moindre mesure, auprès d'employés actuels et potentiels. 

Pourtant, du côté des analystes financiers, et malgré une perte de valeur d'un peu moins de 20% en 2012, on ne semble pas trop se formaliser des questions de gouvernance et d'éthique, allant même jusqu'à conseiller l'achat d'actions ou de prédire de beaux jours à venir pour SNC. 

Les mauvaises décisions ou malversations d'employés ou de dirigeants sont-elles véritablement attribuables à la "culture d'entreprise" ou s'agit-il plutôt de cas isolés qui entachent sa réputation. Il en faudra sans doute peu pour que SNC devienne une victime dans tout cela. 

Et du côté des médias sociaux ?

Il y régnait un silence assez remarquable en ce week-end de la fin janvier 2013. Le compte Twitter @SNCLavalin y diffusait les messages clés d'usage (ceux du vendredi 25 janvier 2013):


Seuls les mots-clics #SNC_Lavalin ou #snclavalin offraient bien quelques railleries...



Sur sa page Facebook, ce sont surtout les employés internationaux qui ont souligné les qualités de SNC, à titre d'employeur.



Un seul commentaire plus négatif a reçu une réponse somme toute assez correcte de la part d'un répondant officiel durant le week-end:



Il sera intéressant de suivre la suite des événements. Mais peu importe la nature ou la portée du mal que "d'anciens employés" auraient pu faire - ou non - à la grande firme d'ingénierie, le Québec en portera les séquelles pendant encore longtemps. On aurait bien pu s'en passer; la cour est pleine...


Merci de votre lecture !


Patrice Leroux






16 janvier 2013

Armstrong chez Oprah Winfrey: un coup de marketing réciproque ?

Allez-vous écouter l'entrevue de Lance Armstrong chez Oprah le jeudi 17 janvier 2013 ? Si vous avez accès à la chaîne OWN (Oprah Winfrey Network) par câble ou satellite, les chances sont bonnes ! Je parierais ma chemise hawaïenne que les cotes d'écoute vont exploser, peut-être même pour la première fois depuis son lancement.

Si vous n'y avez pas accès, vous pourrez toujours compter sur le web car l'entrevue doit être diffusée en livestream: la première partie le jeudi et la deuxième le lendemain

Deux soirées de suite !

Le build-up (ou l'échafaudage) est parfait. Le super-héros déchu passerait aux aveux chez l'ancienne reine du broadcast américain. Je dis ancienne reine parce que malgré toute sa notoriété et son influence, le media d'Oprah Winfrey est chancelant (voir ici et ici). L'entrevue avec Armstrong demeurera un énorme coup de promotion et de l'aveu même de la célébrissime, la plus importante qu'on lui ait accordée dans sa carrière. Rien de moins !

Chez Armstrong, le moment arrive aussi à point nommé : sa mise au point (sa rédemption ?) suit le retrait de plusieurs gros commanditaires ainsi que l'abandon de l'appellation Fondation Lance Armstrong pour la Fondation Livestrong, l'organisme qui a amassé près d'un demi milliard de dollars pour la recherche sur le cancer.

Les assaisonnements les plus piquants de l'histoire ? Dopage, camouflage érigé en système et peut-être même collusion. Mélanger le tout aux ingrédients principaux : sextuple ex-champion plus grand que nature du Tour de France (1999-2005), survivant du cancer, dénonciations de camarades cyclistes,  années de déni (même sous serment), possible expulsion à vie de toute compétition d'élite... En voilà assez pour nous inciter à vouloir connaître le dénouement final !

Faute avouée à demi pardonnée ?

C'est sans doute le journaliste américain Don Van Natta Jr. qui résume le mieux la situation: "On ne va pas chez Oprah Winfrey pour se confesser mais pour se faire pardonner." (source).

Lance Armstrong va t-il renaître tel un Phénix ? Probablement. Il n'y a pas d'autres issues possibles que celles de la sincérité et de la transparence dans son cas. Qu'il en profite rapidement car il lui reste encore, malgré tout, un bon fond de capital de sympathie, et davantage de ce côté de l'Atlantique, comme en témoigne le journaliste Pierre Foglia dans son article Touche pas à mon héros.

Ses aveux, le cas échéant, pourraient-ils le mener à devoir faire un peu de temps, comme Marion Jones en 2008 ? Pourrait-il être accusé de parjure ? C'est ce qu'on verra dans les prochains jours ou prochaines semaines. Quoi qu'il en soit, Lance Armstrong est en train de reprendre le contrôle de sa propre histoire...et Oprah Winfrey, de retrouver des cotes d'écoute d'antan, au moins pour quelques jours.

Merci de votre lecture !

Patrice Leroux


10 janvier 2013

État grippale: le retour du H1N1 ?




10 janvier 2013 - Au Québec, et à Montréal en particulier, ça tombe comme des mouches.

L'état grippale semble particulièrement virulent en ce début d'année. Plusieurs étudiants - et quelques enseignants - ont même dû renoncer à leur retour en classe cette semaine. L'influenza A (H3N2) prédomine au Québec, selon ce dernier Flash-grippe du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Chez nos voisins, on apprend qu'un état grippale d'urgence a été déclaré à Boston: lire cette dépêche de l'AP.  D'ailleurs, toute la grande côte est américaine en est affectée, à voir cette carte du Center for Disease Control and Prevention.

Par ailleurs, la Société nationale américaine de sclérose en plaques, par exemple, avertit que le programme de vaccination américain 2012-2013 protège aussi contre la grippe porcine ou H1N1 (ici). Au Québec aussi, on rappelle que le vaccin saisonnier " inclut la souche A (H1N1) responsable de la pandémie de grippe survenue en 2009." Pandémie ? Vraiment ?

À partir de 2005, on avait fait tout un cas avec les risques de la grippe aviaire; un scénario catastrophe américain avançait même que deux millions d'Américains étaient à risque d'en mourir (voir cette dépêche de CNN). Combien en sont décédés ? Zéro, apparemment.

En 2009, on a fait aussi tout un plat avec la grippe H1N1 et la campagne massive de vaccination. J'avais d'ailleurs écrit un billet à ce sujet en soulignant les doutes et l'incrédulité d'une bonne partie de la population à ce sujet (ici). Avec un peu de recul, le doute était-il raisonnable ? Même l'OMS en prenait pour son rhume en Europe (désolé du vilain jeu de mots) et essuyait les critiques de parlementaires allemands, entre autres (source).

C'est tout de même curieux de constater qu'au début de 2010, plusieurs gouvernements occidentaux ne savaient plus quoi faire avec leur stock non-utilisé de vaccin (voir Flu Vaccine Overstock) alors qu'en 2013, on apprend que le gouvernement fédéral canadien est en rupture de stock de Tamiflu (ici)...un médicament d'ordonnance traitant (ou prévenant) la grippe dont la souche H1N1.

Quoi qu'il en soit,  y aura-t-il un jour une véritable pandémie de grippe ? Serons-nous prêts à l'affronter ? Quels seront les impacts des fiascos des années 2000 sur la communication d'urgence ?  Les mutations des diverses souches de grippe sont-elles à ce point rapides et imprévisibles ?

En tout cas, je n'ai jamais vu autant de gens affectés par des symptômes s'apparentant à la grippe comme en ce début d'année 2013...

Prompt rétablissement à tous !

Merci de votre lecture.

Patrice Leroux


1 janvier 2013

Le genre à part de Michelle Blanc


L'auteur et biographe Jacques Lanctôt avec Michelle Blanc
Source photo Groupe Librex

Michelle Blanc ne laisse personne indifférent, personne. 

Son franc-parler et ses opinions bien tranchées sur l'évolution du web, sur les changements de paradigmes que provoque le réseautage numérique dans toutes les sphères de la société bouleversent les idées reçues. 

Encore dernièrement, elle dénonçait l'absence d'un plan numérique pour le Québec avec plusieurs autres collègues experts. Si certains s'y sont pris contre la forme (ce haut-lieu de prédilection quand on n'a pas grand chose à dire), très peu s'y sont élevés contre le fond.

Auteure de deux ouvrages importants, Les médias sociaux 101 et Les médias sociaux 201, ayant tous deux fait l'objet d'un compte rendu de ma part (ici et ici respectivement), Michelle Blanc nous ouvre cette fois les portes d'un tout autre registre: celui d'une partie importante de sa vie personnelle.

Michelle Blanc - Un genre à part- relate une longue traversée du désert ponctuée de rares oasis où Michel Leblanc a pu parvenir à s'hydrater, assez pour finalement voir éclore Michelle Blanc. Parmi ces oasis, le plus beau de tous, dont la source ne s'est jamais tarie, celui de sa conjointe Bibitte Électrique.

L'auteur Jacques Lanctôt réussit à raconter une tranche de vie tout à fait exceptionnelle; sa complicité n'est pas complaisante et son approche demeure profondément humaine et ouverte. Au-delà des aspects psychologiques troublants liés à cette condition nommée la dysphorie d'identité de genre, Lanctôt arrive subtilement à rappeler le contexte historique du premier demi-siècle de la vie de son sujet. Comment pouvait-il en être autrement de la part de cet auteur/éditeur qui fait lui-même partie de l'histoire contemporaine du Québec ?

Bien qu'il s'agisse d'une histoire très personnelle, plusieurs lecteurs arriveront à mieux comprendre l'approche pragmatique de Michelle Blanc dans sa vie professionnelle, là-même où les questions de sincérité, d'intégrité, de transparence et d'honnêteté sont toujours à l'avant-plan.


Michelle Blanc est née un premier janvier. 
Bon anniversaire !

N.B.: Mon ancienne étudiante, Marie-Claude Bressan, a écrit un très beau billet au sujet de Michelle Blanc en décembre 2012, billet que je vous conseille aussi de lire ici.

Merci de votre lecture et bonne année !


Patrice Leroux

 
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