Le phénomène des fermetures de journaux, aux États-Unis surtout, demeure documenté sur des sites comme Newspaper Death Watch, tandis que les revenus publicitaires ont atteint leur plus forte baisse en 60 ans.
Pourtant, Éric Trottier, v-p à l'information et éditeur adjoint de La Presse - le plus grand quotidien français d'Amérique - nous apprend ici que le lectorat a connu une progression significative (+11% en semaine).
Comme le rappelle le NadBank (Newspaper Audience Databank), le "lectorat [canadien] se compose maintenant d’éditions imprimées et de sites Internet" quoique "les lecteurs persistent à préférer les éditions imprimées".
Par ailleurs, souligne monsieur Trottier, "la croissance est encore plus frappante lorsque mesurée au recul important du lectorat du Journal de Montréal". En effet, son grand rival de toujours - premier grand fleuron de "l'empire" Quebecor - en prend pour son rhume !
Et une surprise de taille: l'augmentation de 27% du lectorat chez les 18 à 34 ans !
Le "rattrapage" de La Presse sur son rival mérite même une belle illustration graphique :
Comment expliquer cette "ascension" ?
Voici quelques hypothèses bien personnelles...
- Une stratégie Internet ouverte depuis le début (pas d'accès limité aux articles comme au Devoir) et peu d'articles réservés uniquement à la version imprimée). Paradoxalement, la culture Internet de La Presse (et de toute la filiale Gesca) aurait plutôt fait augmenter le tirage, malgré des tendances mondiales à la baisse qui risquent de se confirmer ici même à plus ou moins long terme...
- Des contenus variés et équilibrés, malgré le parti pris éditorial envers le fédéralisme canadien d'antan (et qui renforce, paradoxalement ici encore, les lecteurs souverainistes dans leur conviction);
- La production et le développement de la vidéo avec La Presse Télé - qui a fait de La Presse une véritable entreprise multimédia - avec près de 30 millions de visionnements en 2011. Quelle sage décision de ne pas s'être porté acquéreur d'un réseau de télévision comme Quatre-Saisons (devenu V) il y a plusieurs années... La télé, à l'instar de l'imprimé, migre aussi de plus en plus vers le web;
- Une stratégie itérative visant l'amélioration et la bonification continues (au plan de l'ergonomie, de la présentation et de la diffusion des contenus) de son site;
- Le développement d'applications pour mobiles et tablettes (l'avenir quoi !);
- Une présence dans les médias sociaux, particulièrement à travers les nombreux blogues de ses chroniqueurs et de son compte Twitter avec plus de 185,000 abonnés en mars 2012.
Bien entendu, je ne pourrais passer sous silence la qualité graphique du quotidien et celle de l'impression...
Quant au Journal de Montréal, qui demeure tout de même une force dans le paysage médiatique montréalais, voici quelques hypothèses (encore personnelles) sur sa perte de lectorat :
- Plusieurs tergiversations quant à l'opportunité d'offrir un site web dédié au journal à la fin des années 90 et la décision de mettre l'accent sur une nouvelle marque - Canoe.ca - un portail qui n'a jamais attiré une masse critique ou très importante d'internautes. Ceci étant dit, le portail annonçait l'existence d'un nouveau site pour le Journal de Montréal en mars 2012...
- Le long et difficile conflit de travail au Journal de Montréal n'a certainement pas contribué à maintenir une opinion publique favorable y compris dans les milieux plus populaires et syndicaux, la base de son lectorat...
- Les chicanes entre Radio-Canada et Quebecor ont fait plus de torts à ce dernier qu'au réseau public...
- Les jeunes qui délaissent l'imprimé semblent le faire davantage avec le Journal de Montréal; les opinions d'un de ses chroniqueurs vedettes sur les enjeux de la hausse des frais de scolarité (mars 2012) risquent d'exacerber la fuite...
Alors, Chapeau à La Presse !
Merci de votre lecture.
Patrice Leroux
- Les jeunes qui délaissent l'imprimé semblent le faire davantage avec le Journal de Montréal; les opinions d'un de ses chroniqueurs vedettes sur les enjeux de la hausse des frais de scolarité (mars 2012) risquent d'exacerber la fuite...
Alors, Chapeau à La Presse !
Merci de votre lecture.
Patrice Leroux