Les vacances estivales me permettent de reprendre des activités de lecture mises de côté faute de temps. L'une d'elle consiste à lire enfin mes numéros du Atlantic des derniers mois.
Celui de juin 2012 a attiré mon intérêt avec un article de fond de David H. Freedman à propos d'un retour des idées et théorie du psychologue américain B.F. Skinner sur la modification du comportment, à l'ère des technologies numériques et mobiles, voire des réseaux sociaux.
L'article en question s'intitule The End of Temptation. How the creepy science of behavior modification is reshaping our desires (publié dans le web avec le titre The Perfected Self).
Histoire personnelle
Comme toile de fond, le propre frère du journaliste qui a réussi à perdre assez de poids et à éviter des problèmes liés à l'obésité (maladies du coeur et diabète de type 2). Un peu plus d'un Américain sur vingt (160,000 par année) meurent prématurément à cause de sur-poids important...
Comment frérot a-t-il réussi cela ? Grâce à un mix de volonté (évidemment !), de diète et d'exercice de base, le tout renforcé par des applications numériques. (Pas de clinique spécialisée ni de médicaments d'ordonnance...).
Vers des applications behaviorales en santé
Avec nos iPhones et nos tablettes, et pourquoi pas, quelques bons amis Facebook, les technologies et applications behaviorales peuvent modifier toutes sortes de comportement (perdre du poids, réduire les dépenses superflues ou la consommation d'énergie, cesser le tabac, etc.).
Elles permettent aussi, et surtout, d'être un participant plus actif dans la co-construction d'un programme de modification du comportement (à la manière des Weight Watchers ou des Alcooliques Anonymes dont les techniques sont assez semblables au renforcement conditionné de Skinner, dans le sens où y retrouve du soutien, du monitoring et de l'encouragement de la part d'une communauté d'intérêt).
B.F. Skinner
Bien entendu, Skinner a développé ses idées sur le "operant conditioning" (ou behaviorisme) au cours des années 1930. Le contexte particulier de l'entre-deux-guerres ainsi que celui suivant la deuxième guerre mondiale n'ont pas été tendre envers Skinner dont les analyses et travaux ont été accusés - à tort semble-t-il - de frayer avec la manipulation, l'immoralité et le fascisme, rien de moins.
Même Noam Chomsky - dans la mouvance des sciences cognitives des années cinquante et soixante - n'acceptait pas l'idée que des changements de comportement et d'attitude soient possibles, et encore moins souhaitables chez les humains, contrairement aux animaux. À cette époque particulière on avait, avec raison, une peur bleue du totalitarisme.
De plus, l'auteur anglais Anthony Burgess (A Clockwork Orange) disait du livre le plus populaire de Skinner- Beyond Freedom and Dignity- qu'il s'agissait d'un des livres les plus dangereux à avoir été écrit (source).
Dans cette optique, Freedman rappelle qu'il ne faut pas confondre l'approche de Skinner avec le conditionnement pavlovien (une erreur que plusieurs des détracteurs de Skinner auraient commise).
Bien que Skinner ait fait ses expériences essentiellement avec des pigeons, sa théorie demeure plutôt simple : tout organisme peut faire (ou reproduire) ce que son environnement le récompensera d'avoir fait. Autrement dit, quand on est incité à produire un certain comportement et que ce dernier est renforcé par une quelconque gratification, le comportement risque de devenir une habitude.
Par ailleurs, l'approche de Skinner visait à façonner des comportements en toute connaissance de cause, choisis consciemment par le sujet, directement observables et toujours sous l'influence d'une récompense et non d'une punition (à l'instar d'une application comme GymPact).
À titre individuel, on peut certes tenter de modifier son environnement dans le but de changer un comportement. S'il s'agit d'une entreprise ou d'un gouvernement qui tente la même chose, cela devient plus problématique, c'est le moins qu'on puisse dire...
Les applications mobiles en santé explosent
Déjà en 2002, une étude menée par Jean Harvey-Berino de l'Université du Vermont soulignait la force d'Internet comme soutien virtuel auprès de ceux qui voulait maintenir leur perte de poids (ici en pdf).
Mais avec l'explosion des médias sociaux et des applications mobiles, on semble plus convaincu que jamais de leurs caractéristiques préventives en santé (une priorité du gouvernement Obama).
En 2008, j'avais été attiré par les travaux et expériences de B.J Fogg de l'Université Stanford, notamment sur ce qu'il appelait la captology (computers as persuasive technology) ayant même traduit une partie du site en français
(ici via WebArchive).
Les intérêts de Fogg se sont tout naturellement tournés vers les réseaux sociaux et la mobilité mais je crois que l'influence de Skinner, entre autres, y est bien présente.
Voici un Top-30 des applications en santé (US) http://www.appappeal.com/apps/health/
Deux applications à succès pour les problèmes de poids...
http://www.retrofitme.com/
http://loseit.com/
Mobile Health (congrès annuel de Stanford)
http://mobilehealth.org/
La fondation B.F. Skinner (pour en savoir plus sur le personnage)
http://www.bfskinner.org/BFSkinner/Home.html
Merci de votre lecture !
Patrice Leroux