4 août 2014

De Stockholm à Melbourne, en passant par Barcelone (1 de 3)


Voici le premier texte d'une série de trois à propos de grands principes et de normes d'évaluation en relations publiques: la Déclaration de Barcelone, les Accords de Stockholm et le Mandat de Melbourne.

La Déclaration de Barcelone

C’est au début des années 2010 que trois grandes initiatives mondiales voient le jour dans l’industrie des relations publiques. Alors que la Déclaration de Barcelone établissait des principes et des normes d’évaluation, les Accords de Stockholm et le Mandat de Melbourne réaffirmaient la valeur des relations publiques et redéfinissaient son rôle fondamental au sein des organisations.

L’enjeu récurrent de la rentabilité des relations publiques (le fameux retour contre investissement) a toujours été un point d’achoppement parmi les professionnels, les agences et les clients.  Comment évaluer les interventions de relations publiques ? Ses aspects dits intangibles nuisent-ils à la démonstration systématique des efforts de communication ?

Sous l’égide de l’Association internationale pour la mesure et l’évaluation des communications (AMEC), la Déclaration de Barcelone est adoptée le 19 juillet 2010, à la suite du 2e Sommet européen sur la mesure. 

On y identifie sept grands principes pour orienter les indicateurs de valeur des relations publiques. En fait, il s’agit d’un ensemble de lignes directrices servant à mesurer l’efficacité des campagnes de relations publiques.

Assez rapidement, de grandes organisations et associations telle que la PRSA (ici) endossent la déclaration, dont le grand cabinet international Ketchum (ici en pdf) et plus près de nous, la Société québécoise des professionnels en relations publiques (SQPRP) où on retrouve la traduction française suivante.


Les sept principes de la Déclaration de Barcelone  

1. Il est important de fixer des objectifs et de mesurer leur degré d'atteinte.

2. Il est préférable de mesurer l'effet sur les résultats (outcomes) plutôt que les productions (outputs).

3. L'effet sur les résultats globaux de l'organisation peut et doit être mesuré lorsque c'est possible.

4. L'évaluation des parutions média doit être faite de manière quantitative et qualitative.

5. Les équivalences en valeur publicitaire (EVP) ne sont pas représentatives de la valeur des relations publiques.

6. Les médias sociaux peuvent et doivent être mesurés.

7. La transparence et la reproductivité sont de première importance pour la valeur des mesures.

Source: La SQPRP endosse la déclaration de Barcelone sur l’évaluation des relations publiques. 
Communiqué consulté le 8 juillet 2014.

Qui ? Quoi ? Combien ? Pour quand ?

Fixer des objectifs et mesurer leur atteinte font partie des aspects fondamentaux des relations publiques.  Ce premier principe est le bienvenu, particulièrement dans le monde des agences où, historiquement, on mettait plutôt l’accent sur les compétences, les stratégies, les tactiques, le budget puis, avec un peu de chance, l’évaluation. 

Par ailleurs, l’AMEC rappelle que les objectifs devraient être les plus quantitatifs possibles.  La mesure doit aussi être globale (holistic approach) et inclure les médias traditionnels et les médias socio-numériques. 

Enfin, pouvoir établir des objectifs mesurables implique de répondre à quelques questions toutes simples : Qui ? Quoi ? Combien ? Pour quand ?

La mesure des effets sur les résultats

Mesurer l’effet sur les résultats (outcomes), voire sur l’impact plutôt que sur les productions mêmes (outputs) signifie, entre autres, l’évaluation de tout changement d’attitude, de compréhension et de comportement envers un enjeu social, politique, commercial ou encore envers une décision d’affaires; tous ces enjeux peuvent avoir une incidence sur la réputation d’une organisation et sur la façon dont les parties prenantes la perçoivent. 

Dans cette optique, il n’est donc plus suffisant, par exemple, de mettre l’accent sur un nombre déterminé de communiqués de presse, de mentions, de brochures distribuées ou de mises à jour dans le fil d’actualités d’un média socio-numérique. Non pas que ce type de données soit inintéressant en soi, mais il demeure limité puisqu’il ne vise pas à mesurer les effets des relations publiques

Bien qu’on pense à des mesures plus quantitatives quand il est question d’attitude, de compréhension et de comportement, les mesures qualitatives doivent également être prises en compte pour obtenir un portrait plus global d’une situation. 

Par ailleurs, apparaît  aussi la question de la transparence pour toute méthode d’évaluation des résultats. La mesure des effets sur les résultats, en relations publiques, doit également s’aligner aux objectifs d’affaires de l’organisation au nom de qui sont conçus des moyens de communication. 

Impacts sur les résultats d’affaires ? Bien sûr !

Il n’est donc pas surprenant que le troisième principe mentionne explicitement l’évaluation des moyens de communication sur les résultats globaux de l’organisation, voire sur ses résultats d’affaires. 

Par exemple, en quoi des tactiques de relations publiques ont pu provoquer des décisions concrètes d’achat ou un changement d’attitude envers un service au point où la demande a été augmentée de manière significative ? Où se trouve l’apport des relations publiques par rapport au marketing mix ?  

On se rend donc bien compte que les relations publiques peuvent jouer un rôle déterminant sur les résultats d’affaires. 

Dans cette perspective, on semble vouloir se distancer  de « la valeur diffuse des relations », du paradigme classique, voire grunigien, qui avance que l’évaluation des relations publiques doit se mesurer à long terme, que la réputation, par exemple, est un actif intangible et que le véritable apport des relations publiques se trouve dans sa capacité, au mieux, à éviter des crises, ou, au pire, à bien les gérer et donc, à épargner à l’organisation des sommes d’argent considérables. 

À ce propos, consultez:

Bérubé P., Hirst E., Litalien G., L’évaluation des relations publiques à l’heure de la déclaration de Barcelone (3 mars 2011). Voir page 20 du document. Consulté le 10 juillet 2014. http://www.crpcm.uqam.ca/pages/docs/centres/rp/20110323_Conference%20Evaluation_SQPRP_3.pdf

Analyse quantitative contre analyse qualitative ?

Le quatrième principe rejoint le deuxième à certains égards. Il stipule que l’évaluation des parutions médias ne doit pas se limiter à un simple décompte. Certes, l’analyse quantitative demeure intéressante mais l’analyse qualitative, aux plans du ton - avec ses trois grandes orientations classiques (positif, négatif, neutre) -, du public cible, de la présentation du message, etc., reste de loin préférable pour obtenir un portrait convenable d’une situation donnée.

Rompre, pour de bon, avec l’équivalence en valeur publicitaire (EVP) ?

Le cinquième principe demeure, selon plusieurs observateurs, un des plus importants car il vise à rompre, pour de bon, avec une méthode d’évaluation très controversée : l’équivalence en valeur publicitaire (EVP). 

L’EVP consiste à accorder une valeur monétaire à la couverture de presse, au contenu éditorial, c’est à dire au média mérité (earned media). En gros, il s’agissait de mesurer l’espace média obtenu (la une, un éditorial, une brève, etc.,) ou encore le temps d’antenne (durant une émission de télé populaire par exemple) et de le multiplier (entre deux à cinq fois !) par les tarifs publicitaires en vigueur pour le même espace ou temps d’antenne… 

Cette pratique curieuse, datant des années 1930-1940 (source), avait encore cours à la fin des années 2000 dans certains grands cabinets de relations publiques. Affirmer qu’une retombée de presse comporte de deux à cinq fois la même valeur publicitaire - pour un espace égal et sans tenir compte du contenu - aurait fait du tort à l’industrie des relations publiques au plan de la crédibilité organisationnelle (source).


Voir aussi : Watson, Tom. Advertising value equivalence—PR's orphan metric, Public Relations Review, Volume 39, No. 2, juin 2013. Consulté le 12 juillet 2014. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0363811112002056

Par ailleurs, si certains observateurs ont dénoncé cette technique, entre autres dans les années 2000, d’autres ne sont pas disposés à la rejeter entièrement. On souligne par exemple que l’EVP, lorsque utilisée de manière stratégique dans des rapports d’analyse de presse crédibles, permet aux décideurs de comprendre plus rapidement les résultats car l’EVP adopte le langage des affaires (source). 

Il va sans dire que la presse, peu importe le médium utilisé, demeure un influenceur de taille partout à travers le monde. Si l’analyse de presse demeure une activité fondamentale des relations publiques, vouloir y établir à tout prix une valeur monétaire y demeure plus risquée, surtout quand on utilise des indices utilisés plus largement en publicité, tel que les points d’évaluation média (PEM) qui se rapprochent des points d’exposition brute (PEB).

À ce sujet, consultez Bérubé, Pierre, en collaboration avec Guy Litalien. L’évaluation et les indicateurs de performance, chapitre 9, (p. 328-353), in  Maisonneuve, Danielle, Les relations publiques dans une société en mouvance, PUQ, 4e édition, 2010.

Malgré tout, les professionnels des relations publiques, dans leur quête pour obtenir un statut de gestionnaire parmi les plus hauts dirigeants, peuvent aujourd’hui présenter des faits très concrets, chiffrés et mesurables dans leurs rapports d’évaluation. 

Démontrer quantitativement la valeur économique des relations publiques est aujourd’hui possible. Des outils de plus en plus sophistiqués et abordables existent; il suffit de savoir comment les utiliser.

Et l’évaluation des médias socio-numériques ?

Le 6e principe considère l’évaluation des médias socio-numériques comme une discipline et non comme un outil. La quantité phénoménale d’informations provenant des nouveaux réseaux et médias fait en sorte que les unités de mesure peuvent être très nombreuses (données de recherche, d’accès, de publication, de mention, de partage, de vente, etc.). Cependant, la mesure doit aussi mettre l’accent sur la qualité des « conversations » et la portée des «communautés », ce qui n’est pas une mince tâche.  

Lors de la remise de doctorats honoris causa par l’UQAM à Larissa et James Grunig, en 2011, les universitaires américains ont mis en garde les professionnels « contre les dérives potentielles de vouloir analyser un contenu qui n’est pas nécessairement pertinent». (source)

Le recours à des méthodes qualitatives « permettrait d’atteindre un niveau d’analyse permettant une compréhension plus fine de l’appropriation des médias sociaux numériques par les diverses parties prenantes». (source)

Dans cette optique, la mesure est certes fondamentale mais l’écoute, voire le monitoring et la veille, le sont tout autant. Enfin, dans la sphère des médias socio-numériques, les organisations doivent établir, ici aussi, des objectifs mesurables ainsi que des effets attendus sur les résultats.

Transparence et méthodes de recherche

Le 7e et dernier principe aborde des enjeux de transparence et de méthodes de recherche : provenance des échantillons, critères de collecte, types de sondage et de question, taux de participation et de réponse, marge d’erreur, probabilités, méthodes d’analyse (automatisée ou humaine) et de calcul statistique, sources d’indicateurs ou de contenus, etc.  

Enfin, la reproductivité des résultats demeure un indicateur clé de la qualité de l’évaluation; elle indique un degré de fiabilité certain puisque les résultats demeurent sensiblement les mêmes à travers divers échantillonnages auprès desquels on a utilisé la même approche.

Prochain texte: Les Accords de Stockholm


Merci de votre lecture !

Patrice Leroux

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