Mon collègue Guy Versailles publie en cette fin d'année 2016 un essai remarquable sur la pratique des relations publiques dans un contexte de relations avec les médias (ou de relations de presse plus précisément).
Intitulé Journalisme et relations publiques, cet essai doit se retrouver dans la liste de lectures obligatoires des étudiants en relations publiques.
Je me fais d'ailleurs un devoir de le transmettre à l'enseignant qui donne le prochain cours REP2300 Relations avec les médias du certificat de relations publiques.
Parmi tous les champs de pratique et d'intervention en relations publiques, celui des relations de presse demeure un des plus sensibles. Dans cette optique, Guy Versailles propose une compréhension fine de la nature, du rôle et des contraintes propres au journalisme, d'hier à aujourd'hui.
À vrai dire, tout étudiant en journalisme devrait également obtenir une compréhension plus juste du rôle du relationniste de presse (ce "frère ennemi ou frère siamois" ?) même si l'essai est d'abord destiné aux praticiens des relations publiques.
Par ailleurs, l'essai ne porte pas sur la tension, disons historique, entre ces "deux groupes professionnels soudés à la hanche". Il vise plutôt à "repérer toutes les passerelles par lesquelles il est possible de construire le respect et la confiance."
Accédez directement à l'essai en question (ici en pdf), à partir du site de la Société canadienne des relations publiques.
Retraçant de manière succincte mais pertinente l'histoire du journalisme, avec ses assises issues des libertés démocratiques fondamentales (liberté de parole et liberté de presse), Guy Versailles rappelle quelques époques charnières dont le rapport Hutchins sur le rôle des médias en société.
À cette époque, et au lendemain de la 2e guerre mondiale, on se posait des questions sur un tas d'enjeux et de concepts cruciaux: la propriété et la concentration des médias (déjà), l'indépendance des journalistes par rapport au droit de gérance des éditeurs et par rapport aux autres formes de pouvoirs, le droit d'accès à l'information, la responsabilité sociale des journalistes et le droit du public à l'information, entre autres.
Éthique et déontologie journalistique
Un des nombreux mérites de cet essai repose sur l'analyse de plusieurs codes de déontologie dont ceux de la FPJQ, du Conseil de presse du Québec et de la CAJ.
Comme acteur social, le journaliste - et a fortiori dans le cadre du journalisme d'opinion ou de cause (advocacy journalism) - peut émettre son commentaire (par rapport à une simple nouvelle). Le commentaire doit toutefois reposer sur des faits solidement établis. On prévient ainsi les dérives démagogiques; le grand public (qui ne saisit pas toujours la différence entre nouvelle et opinion) obtient une perspective plus éclairée.
Relation entre journaliste et relationniste
La partie consacrée à la nature de la relation entre journaliste et relationniste demeure éclairante pour les étudiants en relations publiques. Elle balise les deux fonctions tout en soulignant un point commun: la défense de la libre circulation de l'information et l'expression de tous les points de vue.
[...]" En bout de piste, le public reçoit deux messages, deux interprétations de la réalité: celle émise par l'organisation directement, et celle relayée par les journalistes; (NDR: le cas échéant !) il arrive qu'elles concordent, mais il arrive aussi, souvent, qu'elles divergent". [...](p. 30)
[Les médias] "représentent le meilleur rempart contre les tentatives des organisations de dissimuler les faits défavorables à leur cause ou de profiter d'une situation pour asseoir indûment leur pouvoir; mais par le fait même ils représentent aussi un filtre qui peut complètement dénaturer la communication entre une organisation et ses publics". (p. 30)
S'il est entendu que le relationniste est porteur d'intérêts particuliers, ce dernier doit également s'assurer que l'information qu'il communique est exacte et complète (entre autres approches morales et éthiques). Cela fait même partie du code d'éthique professionnelle de la Société canadienne des relations publiques.
Sur ce dernier point, je dirais que c'est ici la seule pierre d'achoppement de l'essai: aucune mention du code de déontologie en relations publiques. S'il existe des normes de compétences en journalisme, on en retrouve aussi en relations publiques.
Puisque la tension entre journaliste et relationniste demeure inévitable [...]" le défi constant est de l'exprimer de manière constructive plutôt que destructive. Même s'ils se concluent sur un désaccord, les échanges caractérisés par une écoute sincère et l'expression respectueuse et bien informée de points de vue reposant sur des opinions légitimes sont constructifs. Ils contribuent à construire le respect mutuel, à maintenir ouvertes les voies de la communication et les possibilités de dialogue; ils servent ainsi l'intérêt public." ( p. 33)
Plaidoyer en faveur du journalisme
L'essai de Guy Versailles aborde également la question de la formation, de l'encadrement professionnel et de l'avenir du journalisme même: du débat sur le statut de la profession à l'explosion des médias sociaux et de leurs impacts sur la démocratie en passant par l'évolution ou la réinvention de l'entreprise de presse.
Dans cette optique, l'auteur plaide résolument en faveur d'un journalisme de qualité. Comme il le souligne: "la crise des médias est une mauvaise nouvelle pour nous tous. [...] L'appauvrissement des débats entraîne inévitablement, à terme, celui de la qualité des décisions." [...]
Je termine en rappelant cette célèbre boutade du théoricien américain Clay Shirky: Society doesn't need more newspapers, it needs journalism...
Probablement que Guy Versailles serait d'accord avec lui...
Merci de votre lecture !
Patrice Leroux
2 commentaires:
Bonjour M. Leroux,
"Dans cette optique, l'auteur plaide résolument en faveur d'un journalisme de qualité. Comme il le souligne: "la crise des médias est une mauvaise nouvelle pour nous tous. [...] L'appauvrissement des débats entraîne inévitablement, à terme, celui de la qualité des décisions." [...]"
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"Je termine en rappelant cette célèbre boutade du théoricien américain Clay Shirky: Society doesn't need more newspapers, it needs journalism..."
Je (re) "Like" avec un emoji qui brandit une pancarte The Atlantic et Le Monde diplomatique.
La société (démocratique) a (aujourd'hui plus que jamais) besoin d'un journalisme des fondamentaux. "La plume dans la plaie".
J'ai téléchargé l'essai, je vais le lire et merci (beaucoup et pour ne rien changer) pour le billet.
Le 8 novembre prochain, je vote pour que M. Leroux publie un livre bientôt ;) :)
Ludewic
Merci du commentaire Ludewic !
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