C'est mon collègue et ami Mitchell Friedman de San Francisco qui a attiré mon attention sur ce "fait divers" ayant pris des proportions de crise au sein de la communauté universitaire de UCLA et rapporté dans plusieurs médias américains.
Durant le week-end du 11 mars 2011, une étudiante de science politique, Alexandra Wallace, enregistre une vidéo sur YouTube dans laquelle elle écorche les étudiants d'origine asiatique de UCLA. Avec ses commentaires plus que douteux, voire racistes - et dans un contexte post-tsunami - il n'en fallait pas plus pour que la vidéo devienne virale (plus de 5,5 millions de visionnement au 22 mars 2010).
Combien de fois ai-je dit à mes étudiants de faire très attention aux propos qu'on peut tenir dans le Web. L'empreinte numérique a une très longue mémoire et cette intervention bête et méchante va la suivre pendant très longtemps. Elle risque même de lui fermer plusieurs portes...
On peut dire bien des stupidités dans le confort de son sous-sol mais dès qu'elles entrent dans l'écosystème des médias sociaux, c'est autre chose... (Et vous vous souviendrez de ce qui s'est passé avec le designer John Galliano, filmé, en plus, à son insu...).
Bref, on a appris un peu plus tard que l'étudiante se retirait d'elle-même de UCLA pour cause de menaces et d'ostracisme. Est-ce un cas d'arroseur arrosé ou encore de "poetic justice" comme disent les Américains ?
Les dirigeants de UCLA ont aussi senti le besoin d'intervenir par le biais d'une courte vidéo de son président (recteur), Gene Block. La voici:
Une petite firme de communications de Vancouver, Tang Marketing & Communications, a analysé la "réponse" de UCLA, à laquelle elle donne une note de 4 sur 10 en communication de crise.
Elle accorde des points pour sa réponse publique mais souligne en même temps qu'elle escamote le problème et le fond de la question. Malgré l'intervention assez laconique du président, Tang ne précise pas de quelle manière le président aurait pu répondre de manière plus adéquate. On devine que la question d'une mesure disciplinaire aurait dû être abordée...
En fait, je me demande même si la réponse vidéo du président n'a pas, au contraire, attiré davantage l'attention sur l'étudiante... S'il fallait qu'un président d'université prenne la parole à chaque fois qu'un étudiant se trouve dans l'eau chaude par le biais des médias sociaux... il aurait fort à faire. Par contre, la nature des propos, le contexte et le nombre assez important d'étudiants d'origine asiatique à UCLA ont sans doute penché fort dans la décision.
Rapidité de la réponse: selon la firme, la réponse vidéo est survenue dans un délai de 48 heures; un peu trop tard. Même avec un bon poste d'écoute, la tâche de veille demeure ardue (j'y reviens plus loin).
Sincérité: on rappelle la crise de la listériose de Maple Leaf en 2008 et la présence YouTube de John McCain sans cravate... Disons qu'on n'est pas dans le même registre de crise mais on insiste sur l'absence d'y redresser un tort. Il faut dire qu'aux États-Unis, le sacrosaint premier amendement constitutionnel fournit une défense en titane quant à la liberté d'expression. UCLA ne va pas sur ce terrain; en voici la preuve.
Pertinence du canal: la vidéo incriminante est sur Youtube alors que l'intervention/réaction du président a été d'abord déposée sur le site média de UCLA. En effet, il vaut mieux reprendre le même canal de communication ou, encore mieux, se servir des deux.
Visibilité: Comme suite à l'enjeu de la pertinence du canal, Tang souligne la difficulté à trouver rapidement la vidéo du président à travers un moteur de recherche. En effet, il faut penser aux mots clés que le public est le plus susceptible d'inscrire; UCLA n'a manifestement pas inscrit le nom de l'étudiante dans un souci d'effort d'optimisation pour moteur de recherche.
Voici d'ailleurs une bonne ressource à ce sujet:
An overview of video SEO for communicators (Shel Holtz)
Par ailleurs, la firme Tang suggère à UCLA de recourir à Google Alertes pour retracer toute mention de l'établissement ! Ici, la firme avoue assez maladroitement son inexpérience en cette matière.
Google Alertes ne peut pas trouver cette vidéo, à moins de faire une recherche sur les mots du titre original: Asians in the Library (dont on a rajouté plus tard les mots UCLA girl going wild on Asians dans le repost de la vidéo - celle reprise ci-dessus). Je ne crois pas que l'étudiante soit une spécialiste de l'optimisation pour vidéo non plus... Dans son cas, c'est bien davantage le bouche-à-oreille numérique qui a fait son oeuvre.
Enfin, la firme souligne que des dizaines de billets, d'articles et de vidéos ont été produits en réponse à la vidéo de l'étudiante. Certains sont appropriés, d'autres beaucoup moins, il va sans dire.
La firme se demande comment UCLA pourrait modérer le tout par le biais d'une politique d'utilisation. Si tout cela se passait sur les serveurs de l'établissement, oui, il y aurait lieu de mettre les choses au clair mais aujourd'hui, presque tout se passe dans le nuage, comme on dit. Il n'y a pas de "contrôle" possible sauf, bien entendu, sur celui de sa propre personne...
Qu'en pensez-vous ?
Merci de votre lecture.
Autres liens connexes et complémentaires