Voici le troisième et dernier texte d'une série de trois (1, 2, 3) à propos de grands principes et de normes d'évaluation en relations publiques: la Déclaration de Barcelone, les Accords de Stockholm et le Mandat de Melbourne.
Le Mandat de Melbourne est un ouvrage collaboratif de près de 1000 professionnels provenant d’une trentaine de pays. Le processus ayant mené au mandat a été animé et dirigé sous l’égide de la Global Alliance for public relations and communication management ; à ce jour, il demeure l’une de ses plus grandes réalisations (version française offerte ici en pdf).
Soulignons, au passage, la contribution exceptionnelle de deux professionnels chevronnés du Canada, à titre d’éditeurs du mandat : Jean Valin, ARP, Fellow SCRP, et Daniel Tisch, APR, Fellow CPRS (voir cette entrevue FIR).
L’objectif d’obtenir un consensus sur les valeurs et le rôle des relations publiques a été atteint puis adopté unanimement le 12 novembre 2012, avec la publication de la version finale du mandat.
Une des prémisses de départ consistait à réitérer que les caractéristiques de l’organisation communicante – ainsi que les rôles, les responsabilités et la valeur des professionnels en relations publiques – évoluent très rapidement, particulièrement dans un monde où le grand public et les parties prenantes ont un accès sans précédent aux outils d’information et de communication.
Le Mandat de Melbourne a commencé à prendre forme grâce aux résultats obtenus à la suite d’un vaste sondage, suivi d’une proposition qui postulait trois grands principes - ou valeurs émergentes - pouvant être mis en pratique par les professionnels en relations publiques :
• définir la personnalité et les valeurs de l’organisation;
• implanter une culture d’écoute et d’engagement;
• convier les individus et les organisations à adopter des comportements responsables.
Même si ces grands principes avaient déjà été abordés dans les Accords de Stockholm, comme on l’a vu ici, le Mandat de Melbourne offre un ensemble de pistes de réflexion et de balises concrètes, autant au plan des définitions proposées que de la mise en œuvre du mandat au sein de l’organisation communicante.
Définir la personnalité et les valeurs de l’organisation
Comprendre les fondements de l’organisation, c’est connaître son « ADN » constitué de trois éléments fondamentaux : ses valeurs, son leadership et sa culture.
Les valeurs sont l’ensemble des idées maîtresses qui orientent les décisions et les comportements de l’organisation; c’est ici qu’on peut retrouver sa mission et sa vision, entre autres. Le leadership comprend la capacité des dirigeants à façonner la personnalité de l’organisation, ainsi que les préceptes ou règles guidant la prise de décision et l’action.
La culture englobe plutôt les manières de faire, de travailler et de se comporter collectivement à l’intérieur d’une organisation. Ce savoir-faire, combiné au savoir-être, influencent grandement les publics internes comme les publics externes ou autres parties prenantes.
Dans ce contexte organisationnel, les rôles du professionnel en relations publiques sont nombreux. En voici trois, parmi les plus ambitieux recensés :
• attester que les valeurs soient bien vivantes et qu’elles obtiennent un soutien à l’interne et à l’externe;
• s’assurer que les procédures et les méthodes de travail reflètent les valeurs organisationnelles;
• pouvoir valider ou remettre en question la mission de l’organisation et, le cas échéant, la reformuler.
Implanter une culture d’écoute et d’engagement
En développant une culture d’écoute, les relations publiques sont davantage en mesure de déceler à la fois les risques, les menaces mais également les occasions pour améliorer la réputation de l’organisation. Il s’agit donc de pouvoir identifier puis d’activer tous les canaux pertinents pour favoriser l’écoute; elle permet de cerner les attentes des parties prenantes.
Il faut donc pouvoir en tenir compte avant de poser quelque geste d’importance qui soit. Par ailleurs, la communication étant présente dans toutes les autres fonctions et disciplines, les relations publiques doivent collaborer à la création d’une stratégie d’écoute pour les ressources humaines, le marketing, les relations avec les investisseurs, etc.
Enfin, il faut pouvoir non seulement évaluer l’efficacité de l’écoute mais démontrer que l’organisation la prend en compte dans la mise en œuvre de ses actions.
Convier les individus et les organisations à adopter des comportements responsables
Le Mandat de Melbourne vient confirmer l’importance de comportements responsables à la fois chez les individus comme chez les organisations. Pour l’organisation, les comportements responsables touchent aux questions de transparence, d’équilibre entre ses propres besoins et les intérêts du public, ainsi qu’au développement durable, entre autres.
Dans cette optique, l’organisation comprend que sa réputation dépend en large part sur l’intégrité de ses actions, sur les façons dont elle
communique ses orientations et ses activités. Une organisation qui exagérerait la valeur de ses produits ou services, ou de ses actions en développement durable ferait preuve d’irresponsabilité.
Il revient donc aux professionnels des relations publiques de procurer des conseils stratégiques et éthiques aux dirigeants de l’organisation pour assurer des prises de décisions et des actions responsables.
Les professionnels des relations publiques ont un devoir personnel et professionnel d’être sincère et honnête. Cette position ne rappelle-t-elle pas d'ailleurs le Code d'Athènes/pdf ? L’utilisation éthique de moyens et de canaux de communication fait d’ailleurs partie de bon nombre de codes et de normes de grandes associations.
Bref, les professionnels doivent répondre de leurs actions, basées sur la recherche du bien et d’un bénéfice mutuel à long terme. Enfin, le praticien doit maintenir ses compétences par la formation continue pour exercer son travail de manière efficace et responsable.
Comment utiliser le Mandat de Melbourne et ses concepts dans la pratique?
Les professionnels peuvent s’en servir comme guide pour définir la personnalité et les valeurs de leur organisation (voir ce billet de Dan Tisch à ce propos). Quelles sont-elles ? Que valorise-t-on le plus chez les employés et chez les clients?
Sommes-nous une organisation communicante ? Y existe-il une culture de l’écoute ? L’organisation adhère-t-elle complètement à sa mission, à sa vision et à ses valeurs ? Quelle est sa responsabilité envers la société ? Parmi les tâches et les rôles identifiés dans le mandat, quels sont ceux que vous devez bonifier, à titre de professionnel ? Quels sont ceux que votre équipe doit développer ?
Ces questions ne sont pas banales. Si vous hésitez dans vos réponses, il est sans doute plus que temps d’élaborer un plan d’action dans un esprit d'amélioration…
Conclusion
La Global Alliance a développé un outil servant à mesurer les perceptions à propos des valeurs organisationnelles : l’indice d’intégrité et le test des valeurs (Integrity Index). Puisque les valeurs sont étroitement liées à la personnalité de l’organisation, l’intégrité se mesure par son degré de conformité aux valeurs réelles (ou proposées). Cet indice peut se faire
selon une perspective de l’interne et de l’externe; la correspondance entre les deux permet d’obtenir un portrait de la situation.
Enfin , Jean Valin, ARP, FSCRP et John Paluszek, ARP, Fellow PRSA ont publié en 2012 un document commandité par la compagnie énergétique italienne ENEL qui voulait savoir « qui a vu l’avenir des relations publiques ? ».
Who has seen the future ? (pdf) est un rapport éclairant sur les compétences des professionnels en relations publiques ainsi que sur des approches corporatives innovantes en communication externe.
On y retrouve plusieurs des dimensions et principes abordés dans les Accords de Stockholm et dans le Mandat de Melbourne.
Merci de votre lecture !
Patrice Leroux