Il s'agit d'un ouvrage très dense de près de 300 pages: 17 chapitres divisés en quatre grandes thématiques (développement, intégration, gestion et évaluation).
Exigeant une attention particulière du lecteur, il s'adresse à tous ceux qui auront à défendre l'allocation d'un budget pour la mise en oeuvre ainsi que la gestion d'un programme de médias sociaux. Dans cette optique, il devrait être traduit en français dès que possible ! Non seulement faut-il être capable de défendre un budget mais il faut aussi savoir se rendre imputable, mesures et statistiques à l'appui.
Blanchard est un jeune Américain d'origine française (ou un Français établi aux USA depuis belle lurette), formé et spécialisé en branding et en marketing. En raison des bouleversements technologiques des dernières années, des changements de paradigmes communicationnels et surtout, de leur impact social sur le monde des affaires et sur les consommateurs, Blanchard s'est développé une belle niche, grâce à la finesse de ses analyses et de ses arguments.
Il est de plus en plus reconnu par ses pairs comme un des grands experts en analyse et en mesure des médias sociaux; Brian Solis signe d'ailleurs l'avant-propos de son livre. Pour Blanchard, l'un des enjeux les plus fondamentaux - et particulièrement pour le monde des affaires - demeure la question du retour contre investissement (ROI).
J'avais d'ailleurs souligné à quel point il semble y avoir de l'incompréhension face à cet enjeu dans un billet intitulé Médias sociaux - Retour contre investissement (ROI): des mesures à géométrie variable ?
Chez ce spécialiste, il est impératif que les communicateurs, pour être pris au sérieux par les décideurs, comprennent la différence entre les impacts financiers et non-financiers de toute activité liée aux médias sociaux.
Quant au parle de retour contre investissement, il doit nécessairement y avoir un impact financier (positif ou négatif). Toujours ! Le retour contre investissement est une mesure d'affaires et non une mesure de média. Ce qui ne veut pas dire que certains impacts non-financiers n'ont pas d'importance, au contraire. Mais il faut savoir bien distinguer les deux et présenter des unités de mesure propre à chacun.
Voici d'ailleurs un tableau tiré du livre pour illustrer le propos:
(cliquez pour agrandir):
Source: Figure 15.6 - Financial results. Chapter 15. ROI and Other Social media Outcomes, p. 215
Blanchard souligne également :
" [...] Do not fall into the common trap many social media program managers fall into, which is reporting mostly on "social media" metrics. Hint: Very few people in the organization, especially at the executive level, care about how many followers, fans, likes, and retweets a social media program is generating from one month to the next. How do 100,000 new Twitter followers help the business ? How do 50,000 views of a video posted on YouTube really justify the program's cost ? What is the material value of 10,000 mentions of the company's name across the social web ? As long as you keep your focus on the program's business objectives, your report will be on the right track. Lose sight of these objects and default instead to digital media metrics and your report will be a waste of everone's time. [...] A social media program manager who only reports on "social media numbers" is just being lazy. Always keep your eye on the business objectives that your social media program is there to support. [...] ".
Source: Part IV - Social Media Program Measurement (Vertical Reporting), p. 264-265
Quels sont donc les objectifs d'affaires de votre organisation ? Vendre davantage de produits et de services ? Obtenir davantage de dons pour votre organisme de bienfaisance ? Augmenter le nombre d'étudiants dans votre école ou le nombre de clients dans votre restaurant ?
Même si on ne veut pas toujours l'admettre, la grande majorité des organisations sont en affaires. Le "bottom line" n'est pas une vue de l'esprit. Cependant, on doit reconnaître, toujours selon Blanchard, que les ventes, le marketing, les relations publiques, le service à la clientèle, etc. ne partagent pas toujours le même langage, la même vision et encore moins les mêmes stratégies et unités de mesure.
La méthodologie F.R.Y.
Pour pallier à cela, l'auteur propose d'utiliser la méthodologie F.R.Y. dans le but de modifier la façon d'aborder le développement des affaires: Frequency, Reach et Yield.
Ces trois fils conducteurs sont une façon de rallier les départements vers un but commun d'affaires, entre autres parce qu'ils offrent un vocabulaire que tous peuvent comprendre assez facilement, même si la méthode est résolument axée vers la vente. Pour l'auteur, le F.R.Y est le lien manquant entre le marketing et les ventes, entre la stratégie et l'éxecution, entre les objectifs d'affaires et l'évaluation.
Cette méthodologie vise donc d'une part, à intégrer les médias sociaux à travers tous les départements (adieu les silos), et d'autre part, à se concentrer sur certains types de consommateurs (ou clients), sur leur comportement d'achat (c'est-à-dire sur certains éléments déclencheurs) plutôt que sur la sensibilisation, la motivation ou les préférences.
La fréquence (Frequency), c'est le le cycle de vente ou le ratio d'achat. Si la fréquence comporte un aspect financier (fréquence des transactions), elle offre aussi un aspect non financier (fréquence des interactions). Peut-on utiliser les médias sociaux pour convaincre les clients d'acheter plus souvent ? Bien entendu ! Il s'agit d'abord et avant tout d'une stratégie d'affaires amplifiée par un programme intégré de médias sociaux et non pas une stratégie de médias sociaux.
La portée (Reach) est la plus évidente des trois fils conducteurs. Son aspect non financier se trouve dans le nombre de personnes touchées par une activité ou une campagne (pensez impression et interaction). L'aspect financier de la portée ( et donc du retour contre investissement) touche nécessairement à la transaction (ou à la conversion payante). Un nom dans une base de données ou une mailing list ne vaut pas grand chose s'il n'y a jamais eu de transaction. L'évaluation et le calcul des transactions donnent un portrait véritable des stratégies de portée. Une chose est sûre pourtant: les médias sociaux peuvent contribuer à baisser les coûts d'acquisition d'une clientèle et à faire augmenter le taux de conversion.
Le rendement (Yield) consiste à faire augmenter l'argent dépensé par un client existant (pensez aux ventes croisées des secteurs des cosmétiques ou de vêtements par exemple). On voudra obtenir du client qui dépense 20$ par mois 25$ par mois. Un programme de médias sociaux peut-il augmenter le rendement ? Certainement selon Blanchard même s'il faut d'abord mesurer les transactions par client et leur pattern (ce qui n'a rien à voir avec les médias sociaux). Cependant, les activités de médias sociaux (entre autres) et la richesse de leurs données peuvent se comparer à d'autres canaux de promotion et de sensibilisation.
Si le rendement d'une promotion offerte par le biais de Facebook, par exemple, a augmenté de 15%, comparez son coût par rapport au rendement de la même promotion offerte par le biais de la télé ou de la radio. C'est ici qu'on peut démontrer un retour contre investissement positif. S'il est négatif (toujours possible) il faut revoir la stratégie de médias sociaux. On est donc en mesure de déterminer la valeur des canaux, traditionnels comme non traditionnels.
La méthode F.R.Y. n'est certes pas une recette miracle mais peut être un bon point de départ lorsqu'il s'agit de se concentrer sur les objectifs d'affaires et de mesurer les activités de médias sociaux.
Plusieurs autres observateurs ne croient tout simplement pas qu'il est possible de calculer le retour contre investissement des médias sociaux. C'est le cas de cet article
Calculer le ROI des médias sociaux est une perte de temps.
On y mentionne que ce qui est important, c'est l'implication, l'engagement, la conversation quoi ! On ne peut pas être contre la vertu ! Mais on lance aussi que la démarche du ROI risque de nous " enfermer dans une logique de recherche de la rentabilité". Si vous tenez vraiment à ne pas être pris au sérieux auprès de votre direction quant à la mise sur pied d'un programme de médias sociaux, reprenez les arguments de l'article. Vous ne ferez pas long feu, c'est garanti.
Si au contraire, vous voulez être pris au sérieux et avancer des arguments solides pour développer et intégrer des médias sociaux dans votre organisation, procurez-vous au plus vite un exemplaire du
Social Media ROI d'Olivier Blanchard.
Enfin, si vous êtes du domaine des relations publiques, ce livre devrait obtenir un écho favorable de votre part, surtout en raison de la
Déclaration de Barcelone (
version anglaise ici ou
traduction française ici) dont la mise au point quant à la mesure arrive... à point nommé !
Merci de votre lecture !
Patrice Leroux